Le rôle du Learning Director demain dans l'univers de la formation
La pairagogie au cœur d’une réflexion interentreprises
Nous avons lancé pour la première fois en juin 2023 une expérience originale de pairagogie interentreprises réunissant les entreprises Renault, MBDA, Safran et Thales. Cette méthodologie permet de partager et de capitaliser entre pairs sur les meilleures expériences, pratiques, et usages de chacun. Nous proposons quelques réflexions communes dans le domaine des rôles et compétences de demain des départements et acteurs de la formation.
La vue d’hélicoptère : vision, stratégie et transformation
Les départements formation sont en premier lieu attendus dans leur capacité à créer, partager et déployer une vision et une stratégie fortement connectées au business. Des dimensions comme le « Business supporter » (au-delà du simple « Business provider » si on se place dans une logique d’influence et de persuasion du Business et pas uniquement d’écoute réactive) ont émergé pendant nos discussions. De même, un rôle de « Performance leader » pour une formation souvent connotée RH et que l’on voudrait davantage voir ancrée dans la performance. Il s’agit là de rôles clés pour faire du département formation un « business partner » reconnu et ainsi garantir la pertinence de son offre de formation. Le « Performance leader » revisite le modèle d’évaluation de la formation en connectant mieux ses objectifs au business.
Plus encore et tout particulièrement depuis la crise sanitaire avec une forte attente sur les montées en compétences et les reconversions, le « spécialiste de la compétence », le plus souvent sur un périmètre métier donné, sait concevoir, adapter et réaliser un projet de développement de compétences. Il garantit une meilleure liaison entre compétences et dispositifs de formation et maîtrise tout particulièrement les systèmes de financement utiles au développement de ces dispositifs le plus souvent conséquents.
La transformation n’est pas en reste avec la capacité d’accompagnement des projets de transformation de l’entreprise et un rôle, celui de « créateur d’écosystème » reliant et animant des mondes et univers de correspondants et parties prenantes autour d’une mission de conduite du changement, essentielle pour livrer avec succès un projet de formation dans un contexte nouveau, complexe et pluridisciplinaire. Les partenaires sont variés, internes ou externes comme par exemple des partenaires institutionnels ou académiques.
L’ingénierie pédagogique : les passeurs de sens
Considérés comme le cœur battant de l’activité de formation, les « architectes des parcours et solutions de formation » conçoivent, paramètrent, déploient, promeuvent et mesurent, en évaluant avec des données des dispositifs pédagogiques (digital inclus) sur un périmètre à dimension variable, le plus souvent international et totalement pensés « learner centric ».
Ainsi, les pairs livrent cette synthèse :
Concevoir, c'est : faire exprimer un besoin, donner un cadre au projet et les moyens à engager, étudier la cible, faire de la veille, innover, tester, expérimenter, se renouveler
Indicateur de succès : obtenir le GO du commanditaire
Paramétrer, c'est : adapter le produit au besoin, à la cible, à la typologie de déploiement, faciliter l'usage, structurer techniquement l'ensemble de la solution
Indicateur de succès : respect des livrables du projet, 0 erreur technique lors de la mise en production.
Déployer, c'est : tester par un pilote ou un « Proof of Concept » (POC) sur un échantillon représentatif, mettre à disposition la solution à plus grande échelle, accompagner le déploiement (outils / formateurs, ...)
Indicateur de succès : conformité par rapport aux attentes, capacité à mettre en œuvre dans une situation de travail.
Promouvoir, c'est : mettre en valeur, donner envie, communiquer autour de la solution / produit / action, préparer l'appropriation / la prise en main
Indicateurs de succès : nombre de vues / réactions à des posts / articles internes, nombre de partages, nombres d'inscriptions.
Mesurer c'est : évaluer (NPS ou Net Promotor Score), quantifier, améliorer en continu, mesurer l'expérience par rapport aux attentes des acteurs de la formation
Indicateur de succès : Taux de remplissage, taux de présence, taux de satisfaction, NPS élevé, ROTI mesuré auprès des apprenants, etc.
Le « User researcher » est plus que jamais au fait des principes de la « User Experience » (UX) tandis les activités « sales & marcom » garantissent une bonne information et connaissance du nouveau dispositif pédagogique, car « à quoi bon concevoir le plus beau véhicule du monde » si personne n’est au courant de sa disponibilité ? Plus encore, ils relèvent d’une forme de séduction nécessaire dans un environnement de fortes sollicitations pour les apprenants.
Le « data analyst » ouvre de nouvelles opportunités « proactives » de pilotage de la formation, le plus souvent réduite à subir, ou au mieux à suivre les données. Le « Digital Learning Manager » soutient la composante digitale du dispositif pédagogique incluant la maîtrise des différents outils auteurs utilisés dans la production des contenus digitaux.
Les contextes de déploiement sont variés, incluant les apprentissages sociaux et en situation de travail. Le « référent AFEST », au cœur de l’analyse du travail et des compétences associées, devrait se développer dans les années à venir.
Les passeurs de sens, c’est aussi une histoire de posture pour les « community managers » ou facilitateurs aptes à impulser, faciliter le partage entre pairs et à faire émerger les savoirs, comme par exemple l’animation d’un réseau de correspondants ou d’auteurs de contenus digitaux. Ils créent et animent des lieux, véritables creusets et sanctuaires de la formation (par exemple des « learning labs »), propices au partage de l’expertise. La dimension « coaching » n’est jamais loin et devrait aussi se développer dans les années à venir.
Enfin, on n’oubliera pas « l’administrateur de plateformes » (qui parle couramment le langage de la technologie, interface essentielle avec l’IT), le « planificateur » (qui maîtrise toute la planification de la formation en boucles longue et courte), « le « responsable du contrôle des achats et des facturations » (dans la dimension financière de la formation) et tous ces rôles essentiels à la bonne industrialisation et au déploiement des dispositifs pédagogiques au sein de l’entreprise.
L’innovation : la longueur d’avance
Les départements formation l’ont compris : être respecté par le business, c’est montrer une capacité permanente à anticiper, détecter, proposer et mettre en œuvre les meilleures innovations pédagogiques et digitales (avant que le business ne les identifie lui-même !).
Le « responsable de la veille pédagogique » analyse les tendances du marché et identifie les innovations potentielles en ayant en tête contexte et maturité de l’entreprise. Il est connecté à plusieurs réseaux de pairs et connait les fondamentaux de l’andragogie et les dernières tendances des neurosciences, véritables remparts à une vision purement technophile (et limitante) de la formation.
Les « architectes des parcours et solutions de formation » permettent, si cette dernière est pertinente, le passage à l’échelle de l’innovation en faisant appel à des compétences projets et toutes les dimensions associées incluant pédagogie, sécurité/RGPD et finance. Ils savent tout particulièrement mettre une innovation en face d'un besoin en étant centré apprenant, principale garantie du taux d'adhésion des apprenants à la solution. En ce sens, ils sont en première ligne pour faire de l’invention (simple idée au départ) une innovation (autrement dit lui trouver un client dans la durée et de façon industrialisée).
« Une création à plusieurs mains »
Jean-Roch HOULLIER, juillet 2023, avec les contributions par ordre alphabétique des WAPers,
Patrick Benammar
Olivier Chedeville
Camille Cini
Etienne David
Antoine Deparday
Audrey Fromigue
Laurent Grembowski
Florent Grisaud-Verrier
Catherine Loirant
Véronique Lorin Grosclaude
Isabelle Mancel
Nathalie Nouna
Thomas Pasquier